L’irruption des réseaux sociaux est un phénomène colossal, sans doute le
plus important de ces cinq dernières années.
Il dépasse par son ampleur
l’arrivée même du Web, du mail ou encore des blogs, eu égard à sa rapidité de
propagation. Facebook a été créé en 2004 et compte à ce jour plus de 600
millions d’utilisateurs et son homologue chinois (qq ou Qzone) l’aurait même
dépassé. En moins de cinq ans, c’est plus d’un milliard d’internautes qui se
sont socialisés.
Comme ce fut le cas pour
la recherche sur le Web avec Google, un mécanisme de concentration est à
l’œuvre et a rapidement amené un ou deux acteurs à dominer le paysage des
réseaux sociaux : c’est ce que l’on constate avec Facebook pour les relations
«amicales», LinkedIn et Viadeo – qui comptent respectivement 70 millions et 50
millions d’utilisateurs – pour le monde professionnel ou encore Meeting/Match
pour la rencontre.
Mais Twitter, le
«challenger» social, avec ses 200 millions d’utilisateurs, est venu bouleverser
le paysage des réseaux sociaux avec sa mécanique unique. On analysera dans cet
article le succès de Twitter et la façon dont il a pris l’ascenseur de la
recherche en temps réel sur le Net, pour monter sur les premières marches du
Web...
SAME BUT DIFFERENT...
FACEBOOK VS TWITTER
On associe souvent Twitter
et Facebook.
Pourtant ils sont somme
toute différents.
- Facebook en effet est un
réseau social de personnes, reliées par des liens sociaux préalables. Il
rassemble les amis, les collègues, la famille. Il se situe sur le niveau 3 de
la pyramide de Maslow, qui hiérarchise les motivations selon cinq niveaux, le
troisième étant le «besoin d’appartenance».
Facebook est donc un réseau de proximité et d’intimité.
Twitter en revanche est un
réseau basé sur les liens entre des personnes qui abordent les mêmes thèmes. Il
s’agit de personnes qui partagent des sujets d’intérêt. On se situe plus haut dans la pyramide de Maslow,
au niveau 4, celui du besoin d’estime (de soi et des autres). Ceci explique
aussi la moins grande audience d’un Twitter par rapport à un Facebook.
Enfin, Twitter est par son
fonctionnement résolument basé sur une logique d’audience (push) et de
Search/News (pull). Pour l’audience, les
«twittos» sont généra-lement dans une dynamique de recherche d’abonnés, pour
accroître leur influence.
L’une des tactiques est de
s’abonner à quelqu’un, en attente de son abonnement en retour… Logique cyclique
qui conduit à cet effet réseau et à la démultiplication des actions.
TWITTER, UN OVNI PARMI LES
RESEAUX SOCIAUX
Créé en 2006, Twitter
reposait au départ sur une logique de SMS, d’où les 140 caractères fatidiques
qui sont sa marque de fabrique.
L’utilisateur écrit un
«micro» article de 140 caractères maximum et le publie sur son profil. Cette
page Profil décrit brièvement le twittos et rassemble l’ensemble des tweets
qu’il a publié.
Par ailleurs, chaque
twittos peut suivre d’autres utilisateurs. La page Accueil de son compte
correspondra donc peu ou prou à un fil d’agence de presse, à ceci près qu’elle
rassemblera les tweets émis par les personnes qu’il aura jugé intéressantes ou
utiles.
Ces micro-articles forment
une logique de micro-blogging.
Leur contenu est très
varié, et va de la simple remarque «il fait beau», à des informations comme
«L’Egypte ferme internet (source Le Monde)», en passant par des contenus à but
défini, tel que «recrute commercial». Comme chaque twittos suit les personnes
qui l’intéressent, il ne voit que des éléments de son univers, d’où le filtrage
social associé.
Sur le profil apparaît
également le nombre d’abonnements et d’abonnés (Following et Followers en
anglais). A ces fonctions de base, se rajoute enfin, comme pour tout bon réseau
social qui se respecte, une messagerie privée… elle aussi basée sur 140
caractères.
L’une des caractéristiques
de Twitter est d’être disponible sur mobile ou sur des applications clientes,
que ce soit sur Windows et Mac. Cette présence sur de nombreux appareils est,
sans aucun doute, l’une des clés de son succès.
Cela étant, beaucoup se
demandent comment les tweets peuvent apporter un contenu riche en seulement 140
caractères ? Twitter en fait n’est souvent qu’un simple relai pour aiguiller
vers une information plus riche, et les messages sont alors un moyen de
diffuser un lien – une URL –, qui pointe
vers un article de journal, un site web, etc.
En termes de contenu
enfin, Twitter est très contrasté : on y trouve tout et parfois rien, mais
l’actualité y est prédominante.
TWITTER EN QUELQUES
CHIFFRES :
- +200 millions de comptes ;
- Pic record de 6 900
tweets par seconde au 1er janvier 2011 à minuit, au Japon ;
- 225 000
utilisateurs français estimés en août 2010 ;
- +100 millions de
tweets par jour
- 95,8 % des utilisateurs
ont moins de 500 abonnés, 58 % entre 5 et 10 abonnés ;
- 22 % des
utilisateurs font 90 % des tweets ;
- 350 employés ;
- Valorisation : 4,5
milliards de $
(Source : Julien
Bonnel, http://goo.gl/tSUX7)
SUPER T, LE HEROS QUI N’A
PAS ENCORE DIT SON DERNIER MOT
- 1er pouvoir : le
Super Temps Réel
Twitter propose une
recherche sur l’ensemble des tweets publiés par tous les utilisateurs. C’est
une approche radicale qui donne la primauté au temps sur l’exhaustivité.
Les avantages sont
clairs : les données sont par nature «fraîches», la question de la
pertinence est bien moins importante, car le set de résultats est très souvent
petit.
Il n’est pas question de
capitaliser ou d’accéder à des données validées et pérennes. C’est le règne de l’instantané, de la
réaction, du commentaire.
C’est aussi très
addictif : que vient-il de tomber sur le prompteur Twitter ?
Il paraît loin le temps ou
Eric Schmidt, PDG de Google, disait à propos de Twitter : «C’est la messagerie
du pauvre» ; c’était en mars 2009… Depuis, Google a été amené à acheter à
Twitter son flux de tweets pour les indexer en temps réel et fournir ainsi une
vision «temps réel» de la recherche sur le Net.
- 2eme pouvoir : la
Super Syntax Search
Twitter a apporté une
contrainte forte à ses utilisateurs : 140 caractères.
Ils se sont donc adaptés…
et y ont apporté des innovations qu’on peut qualifier de «documentaires», à
travers la notion de micro-syntaxe.
De quoi s’agit il ?
De l’apparition de formes
très simples d’écriture, qui utilisent des éléments de syntaxe particuliers.
Trois opérateurs ont bâti
la réputation de Twitter : le #, le @ et le http :
• le http référence très
classiquement une URL sur le Web. Comme les URLs du Web sont devenues très
longues (pour y insérer des mots-clés afin que
Google les favorise…), les «raccourcisseurs» d’URLs comme Bit.ly,
Short.ly... sont apparus, pour tout faire rentrer dans un tweet de 140
caractères…
• le @ permet de nommer
quelqu’un par son nom. C’est simple et efficace. On peut ainsi inclure des
formes de conversations dans des textes courts de type SMS.
Par exemple :
- @garniera Merci !
- Je pense comme @claude
que le web est simple ;
• le # marque un sujet, un
thème ou un tag. On l’appelle communément «hashtag». Cela permet d’utiliser ou
de créer de toute pièce des «mots», qui servent d’étiquette.
Exemples :
#president, #avocatFruit, #journeeSansVoiture ou encore #VDM #lol #TED, etc.
Ce qui donne, en combinant
les trois :
- RSE : Etre ou Avoir
@ClaudeSuper http://bit.ly/ftHiDF et @garniera http://bit.ly/hWK7Mm
- Webleads Tracker
joue dans la cour des grands de l'Intelligence Marketing -
http://viadeo.com/s/qN6Jj (via viadeo et @dfailly:)
- @jfruiz: +1 RT
@NetGoldFish: On ne manque pas d'entrepreneur mais pas assez de fonds d'investissement
#ACSEL.
Cette micro-syntaxe a pour
effet principal de fournir aux twittos un moyen très facile de publier de
manière précise et sémantiquement valide d’une part, et d’offrir aux
internautes un moyen simple de faire des recherches relativement avancées
d’autre part. On peut ainsi identifier les tweets parlant d’un événement en
utilisant le hashtag associé.
Ce que les documentalistes
savent depuis toujours, Twitter l’a popularisé à travers cette logique de
micro-syntaxe, qui offre en quelque sorte une recherche avancée pour les
nuls !
- 3ème pouvoir : la
Super API
Twitter a mis en ligne
très rapidement une API (Application Programming Interface) donnant accès à son
service et ce, de manière gratuite. Il a donc permis à d’autres services, sites
web ou applications de publier des tweets ou d’ajouter des contacts. Ceci a
donné naissance à des centaines d’applications très variées, qui ont su tirer
parti de ces données pour fournir des services à valeur ajoutée : analyse
de tendances, visualisation des données, analyse des influenceurs, etc.
Cette approche n’est pas
sans rappeler la tendance des «search base applications» qui, dans
l’entreprise, utilisent le moteur de recherche comme point d’entrée sur des
services connexes, comme le CRM ou la BI.
Il en va de même pour
Twitter, qui a généré un écosystème d’applications autour de lui, basé sur son
moteur de recherche. Il va sans dire que ces centaines d’applications ont été
aussi l’occasion pour Twitter d’augmenter son trafic et le nombre d’utilisateurs
de sa plateforme, le positionnant de facto comme leader sur son marché.
ZOOM SUR SON OUTILS DE
SEARCH AUX MULTIPLES FACETTES
1. Le temps réel
Là où Google doit crawler
et donc découvrir les nouveautés, Twitter bénéficie en temps réel des ajouts des
utilisateurs et peut donc les répercuter en alertes, mais aussi dans sa
recherche en temps réel.
C’est un avantage
considérable en termes de rapidité. On peut noter d’ailleurs que Google a
depuis réagi et lancé une nouvelle version majeure de son moteur appelé
Caffeine (sans doute pour en donner l’excitation…), qui lui permet de déployer
Google Instant : une recherche en temps réel sur des données temps réel.
2. L’Overload/le filtre
En choisissant son réseau
et donc les personnes suivies, on définit le périmètre des éléments à lire. Là
où Google propose l’exhaustivité, Twitter pose un filtre humain. On voit toute
la complémentarité de l’approche.
3. La sérendipité
Sur Google, on trouve ce
qu’on cherche, et comme l’algorithme prend notamment en compte le “PageRank”
des pages, ce sont souvent des réponses «standards» qui ressortent.
«Tout le monde lit la même
chose» en quelque sorte et les sites références sont privilégiés. Twitter ouvre
une brèche sur cette hiérarchie en la faisant reposer sur la hiérarchie des
personnes qui peuvent piocher des liens iconoclastes et non orthodoxes. C’est le principe même de la
sérenpidité, que de trouver ce qu’on ne cherchait pas.
4. La confiance
Par le choix des
personnes, les informations sont contextualisées, là où un moteur de recherche
de contenu renvoie à la confiance de la
source.
5. L’interaction
Si une information nous
interpelle, Twitter donne la possibilité de contacter l’auteur de ce tweet s’il
est dans son réseau. On peut donc passer d’une lecture passive, à l’action
auprès d’un tiers. Ce couplage est d’une grande force, d’autant que Twitter
permet aussi d’initier des conversations très simplement, en nommant les
personnes à qui on s’adresse.
S’imposer comme leader est
toujours une alchimie complexe. Et Twitter a su s’adapter, se réinventer et
devenir un acteur principal des réseaux sociaux, par sa capacité d’exécution,
jusqu’au point de prendre une part de voix importante au leader incontesté :
Google.
Et une rumeur court :
Twitter aurait refusé une offre de rachat de Google à 4 milliards de dollars…
On dit que «Time is Money», pour Twitter, c’est «Real Time is Real Money» !
L’AUTEUR
Alain Garnier est
co-fondateur et CEO de Jamespot, motoriste de réseaux sociaux depuis 2005.
Entrepreneur en série, il
a créé auparavant Arisem, éditeur de logiciels spécialisé dans le traitement de
l’information sémantique – revendu en
2003 au groupe Thales – ,
et Evalimage, dédiée à la eRéputation – revendu à TheCRMCompany .
Il est l’auteur de
l’ouvrage «L'information non structurée dans l'entreprise : usages et outils»
(voir Bases n°251) et est co-auteur avec Guy Hervier du livre«Le réseau social
d’entreprise», qui paraîtra fin avril 2011aux éditions Hermès Lavoisier.
Alain Garnier
Publié dans le n°91 de Netsources (Mars/Avril 2011)
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