Curebot mise tout sur l’intelligence collective

Clément MORIN
Netsources no
147
publié en
2020.07
1837
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évaluation outils | outils de veille
Curebot mise tout sur l’intelligence collective Image 1
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Curebot a été créé en 2018 par Esprits Collaboratifs, ancienne start-up d’Orange. Son activité principale est la vente de solutions de collaboration au sein des entreprises et en premier lieu leur produit phare : Curebot.

Curebot se présente donc comme un outil de partage, déployable à l’échelle d’un service ou d’une entreprise entière. Pour les responsables de la solution, l’intelligence économique ne peut être qu’une « démarche collaborative » et le mot d’ordre est « intelligence collective ».

Les partis pris de Curebot

La plateforme se fonde sur la volonté de dépasser « l’effet silo » des entreprises. Cet effet silo est décrit comme un cloisonnement des informations d’un service à l’autre (entre Marketing et R&D ou entre Développement commercial et Logistique) et d’un site de bureaux à l’autre. Cela suppose que les entreprises que cible Curebot ont déjà atteint une taille respectable.


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L’autre volonté est de rendre l’utilisateur autonome sur la plateforme. En effet, la représentation visuelle est, quoiqu’assez dense, plutôt lisible et accessible, même pour des personnes moins à l’aise avec l’informatique (voir figure 1.). Nous verrons le revers de cette ambition d’autonomie de l’utilisateur dans la partie traitant du rôle du salarié.

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Figure 1. Interface de Curebot

L’outil est particulièrement conçu pour une utilisation sur smartphone. La veille se trouve donc par défaut, du moins pour les personnes dont ce n’est pas le métier, reléguée aux « temps morts », selon l’expression employée par les responsables, donc au temps de transport, au temps d’attente avant un rendez-vous, etc. Certains y verront une optimisation du temps des salariés, d’autres une dévalorisation du métier de veilleur.

Le rôle du salarié

Il est explicitement attendu de l’employé intégré dans le programme de veille qu’il soit actif, « proactif » selon l’expression consacrée. L’employé est, avant même les décideurs et les administrateurs qui pilotent l’outil au sein de l’entreprise, le rouage sans lequel la plateforme perd son intérêt.

Celui-ci est à la fois veilleur et destinataire de la veille, étant à même de rechercher du contenu externe et de l’intégrer dans les groupes de travail auxquels il appartient ou dans son contenu de travail individuel.

Tout utilisateur peut rejoindre une « communauté », un groupe se fondant sur le partage d’information concernant un même sujet.

La limite de ce raisonnement est que tout employé ne peut pas intégrer n’importe quel groupe ni n’importe quel contenu : certains sujets sont, par la volonté des administrateurs de l’entreprise, délégués à des experts ou veilleurs dédiés. Cela permet de conserver une certaine qualité dans le contenu de sujets jugés d’importance transverse par la direction des entreprises. Il en va de même pour les newsletters : un salarié qui souhaite en diffuser une devra recevoir la validation des administrateurs.

Les bots

Derrière cet anglicisme, qui fait souvent penser à des interfaces de dialogue automatiques entre les marques et les consommateurs, Curebot fait en réalité référence aux agents de surveillance classiques de la veille. Le bot comprend des sources ou catalogues de sources et va régulièrement vérifier automatiquement si de nouvelles informations répondant à la requête sont disponibles. Ces bots peuvent être mis en place par l’utilisateur dans le cadre d’une veille concernant ses sujets de travail ou par les administrateurs de l’outil dans l’entreprise sur des sujets communs. La création d’un bot est assez intuitive et chaque étape ou option est très bien détaillée dans le guide d’utilisation.

  • L’utilisateur peut indiquer au bot quels sont les mots-clefs à suivre, et prévisualiser les résultats générés pour écarter certaines sources qui ramènent trop de bruit.
  • Les filtres s’adjoignent de moteurs de scrapping d’URL à intégrer manuellement, ce qui suppose de réaliser un travail de sourcing en amont ou de récupérer le catalogue de source mis à disposition par un utilisateur expert dans un sujet.
  • Un développement de programme d’intelligence artificielle est envisagé, notamment pour l’affinage des requêtes et la suggestion et gestion des tags.
  • Il est donc possible d’élaborer des veilles ciblées comme des veilles radar, selon les mots-clefs et les URL renseignés.
  • Une fois le flux créé à partir du filtre, il reste à valoriser les informations produites, soit par un partage par mail, dans les réseaux sociaux, en les capitalisant dans le dossier « Ressources » ou « Bookmarks » de l’utilisateur, en les partageant dans les groupes de travail sur la plateforme ou par le truchement de tags.

Nos interlocuteurs ont peu élaboré le sujet des filtres, ce qui nous semble révélateur du niveau d’innovation, modeste à notre avis, de ces bots. Ils ne sont qu’un moyen pour servir l’intelligence collective sans cesse mise en avant par la plateforme.

Les tags

Il s’agit du cheval de bataille de la plateforme, le moyen par lequel s’organisent et se structurent les veilles individuelles et collectives sur l’outil. Il n’y a ni limite de nombre ni limite dans la création de ces tags. Il sera toutefois plus pertinent de reprendre un tag qui a déjà été utilisé des milliers de fois plutôt qu’une variante utilisée seulement quelques dizaines.

Certains tags peu utilisés peuvent être « remobilisés » en les croisant avec des tags populaires. Ce dernier aspect des tags ressemble à un jeu d’influence.

Ces tags permettent de naviguer d’un sujet à l’autre et d’identifier les experts au sein de l’entreprise sur un sujet particulier, à partir de la quantité de contenu que ceux-ci ont intégré.

La multiplicité de ces tags et l’absence de limites les concernant peuvent générer une difficulté à rechercher une information précise, pour peu que l’on ne l’ait pas ajoutée dans ses ressources ou en favoris.

La valeur ajoutée de l’outil et ses limites

L’outil est particulièrement réactif, sur toute plateforme, ce qui rend la navigation particulièrement aisée une fois que l’on sait se repérer parmi les sous-dossiers et différentes parties.

La simplicité d’utilisation est le point le plus fort de la plateforme, en ce que le fonctionnement est abordable, tout en maintenant de nombreuses connexions entre les différentes sections. En cas de difficulté, l’aide est particulièrement pédagogue et détaillée.

Le parti pris avec les tags permet à la fois de finement catégoriser les informations, mais peut également conduire à une surmultiplication des tags inutiles et à une dilution de leur pertinence. On voit également une légère contradiction entre la volonté d’éviter « l’effet silo » abordé au début et la quasi-nécessité de tagger chaque information pour la valoriser.

La simplicité également à générer des newsletters facilite la mise en avant de l’information.

Il ressort de l’outil une certaine recherche d’équilibre entre la dilution de la veille entre des centaines voire des milliers d’utilisateurs et un contrôle du contenu.

Pour l’entreprise, le point essentiel est la possibilité de mobiliser et de rendre des centaines d’employés actifs dans sa démarche d’intelligence économique. En avoir la possibilité n’en fait toutefois pas mécaniquement une réalité. Selon les statistiques générées sur des cas pratiques de clients (dont l’un approche des huit mille utilisateurs), on observe que de 1 à 10 % des utilisateurs sont contributeurs et que le reste est plutôt observateur/consommateur. L’utilisation qui est faite de l’outil par ces observateurs n’est toutefois pas mesurée.