Ce qu’il faut savoir avant de commencer une recherche brevet
Le principe des brevets
Un brevet est une sorte de contrat entre l’Etat ou la Société dans son ensemble avec un déposant (l’inventeur, s’il s’agit d’une personne physique, ou avec une personne morale) qui incite le déposant à divulguer son invention en échange d’une exclusivité de l’exploitation de celle- ci pour une durée pouvant, en général, d’aller jusqu’à 20 ans.
De plus, l’inventeur bénéficie d’une période de confidentialité de 18 mois entre le dépôt de la demande de brevet et sa publication.
Les conditions de dépôt d’une demande de brevets sont les suivantes (source INPI):
1- Nouveauté
L’invention doit être nouvelle, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas porter sur une innovation qui a déjà été rendue accessible au public, quels qu’en soient l’auteur, la date, le lieu, le moyen et la forme de cette présentation au public.
2 - Application industrielle
L’invention doit être susceptible d’une application industrielle, c’est-à-dire qu’elle doit pouvoir être fabriquée ou utilisée quel que soit le type d’industrie.
3 - Activité inventive
Enfin, l’invention doit impliquer une activité inventive, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas découler de manière évidente de la technique connue par “l’homme du métier”.
Il faut savoir que toutes les demandes de brevets déposées auprès d’un office national (par exemple l’INPI pour la France ou l’USPTO pour les Etats Unis ou supranational comme l’OEB (Office Européen des Brevets) ne débouchent pas automatiquement sur une délivrance.
Les contraintes liées au dépôt de brevet
Le délai de 18 mois entre la demande de brevet et sa publication (à ne pas confondre avec la délivrance du brevet qui intervient en général plus tard) ;
Les demandes de brevets sont déposées dans un certain nombre de pays, nombre qui peut, pendant un an, être augmenté en gardant la date de dépôt initiale. Pour les pays dans lesquels la demande n’a pas été étendue, la technologie est libre d’exploitation et ne peut plus, bien sûr, faire l’objet d’une autre demande de brevet ;
Pour rester valable dans chacun des pays où il a été délivré, le déposant doit payer des annuités dont le montant va croissant au fil des années ; à défaut la technologie n’est plus protégée. Les grandes entreprises font régulièrement une revue de leur portefeuille de brevets pour ne garder en vigueur que ceux dont l’importance est toujours stratégique ;
Certaines entreprises déposent des brevets à leur nom pour marquer publiquement leur territoire et apparaître comme des sociétés innovantes (cf. les classements des plus gros déposants de brevets). D’autres au contraire déposent certains brevets au nom d’une filiale très discrète ou au nom de jeune fille d’une cousine éloignée du chercheur, le but étant dans ce cas de ne pas dévoiler certains axes stratégiques.
Les marques déposées : une démarche complémentaire très fortement recommandée
Les marques sont, comme les brevets, un élément important dans une démarche de développement de produits ou de services, non nécessairement technologiques comme pour les brevets.
De plus, les principes et modalités des dépôts de marque et de leur suivi sont très différentes.
Contrairement aux brevets, qui ne sont publiés que 18 mois après le dépôt de la demande, dans le cas des marques, le délai est beaucoup plus court. Surveiller les dépôts de marque d’un concurrent peut permettre de détecter une nouvelle orientation stratégique. En fonction des classes dans lesquelles la marque est déposée, et ce qu’elle évoque, on peut en déduire avec peu de chances d’erreur les produits ou les domaines l’entreprise va se tourner.
Au niveau des principes, si le brevet est une garantie de monopole dans des pays désignés sur une période maximale de 20 ans pour une nouveauté absolue, le dépôt de marque est un simple droit d’occupation de 10 ans renouvelable indéfiniment pour peu que l’utilisation réelle de la marque puisse être prouvée de façon visible pendant les cinq années suivant son dépôt.
- Une marque doit être nouvelle, c’est-à-dire ne reproduit ou n’imite pas un signe bénéficiant d’un droit antérieur comme une marque, une dénomination sociale ou commerciale connue sur l’ensemble du territoire.
- Une marque permet de faire connaître son produit et/ou son service et les distinguer de biens concurrents.
- La marque peut être un mot, un slogan, des chiffres, un logo, un dessin ou une combinaison d’images et de sons.
- Cette marque doit être disponible, conforme à l’ordre public et ne pas tromper le consommateur.
La base marque de l’INPI (https://www.inpi.fr/fr ), en libre accès, permet de chercher si les marques sont déposées ou l’ont été.
Pour un débutant en recherche brevet, les sites des offices de brevets sont une première étape conseillée
Tous les Offices auprès desquels les demandes de brevet sont déposées ont pour mission de rendre publique le plus largement possible cette information qui en principe est gratuite sur leur site.
Ces offices ont, dans la quasi-totalité des cas, un site en accès libre où chercher l’information, mais certaines prestations complémentaires peuvent être payantes.
On peut citer :
- l’INPI pour la France (www.inpi.fr/fr/base-brevets);
- L’Office Européen des Brevets (https://www.epo.org/index_fr.html ) auprès duquel sont déposés les demandes de brevets européens mais dont la base de données référence les brevets du monde entier (plus de 125 millions de documents brevets);
- L’USPTO (United States Patent and Trademark Office (https://www.uspto.gov/ ) qui propose aussi une base de données sur les marques américaines;
- L'OMPI ou WIPO (Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle - https://www.wipo.int/portal/fr/) propose PATENSCOPE qui référence les brevets déposés selon la procédure PCT (Patent Cooperation Treaty, Traité de coopération en matière de brevets) couvrant une centaine de pays. A signaler son service PEARL, très utile pour les traductions multilingues;
Beaucoup d’organismes nationaux existent. Citons par exemple celui de la Corée :
- KIPRIS (Korea Intellectual Property Rights Information Service (http://eng.kipris.or.kr) pour les brevets coréens.
Ces sites offrent régulièrement des améliorations et de nouvelles possibilités tout en étant gratuits.
Une approche complémentaire: les sites gratuits ou freemium:
Il existe par ailleurs des bases spécialisées gratuites ou selon le modèle freemium qui ne manquent pas d’intérêt et qui offrent parfois des possibilités de recherche ou de traitement originales (IA, mouvance TRIZ, méthode originale d’innovation créée en Russie,…). Néanmoins, le plus souvent elles n’offrent pas toutes les possibilités de recherche et de traitement des sites professionnels spécialisés, évoqués plus loin. Elles ont, par exemple, une couverture moins complète, parfois pas de données juridiques, d’historique de recherche,…
Nous les avons présentées dans notre article « Les banques de données brevets gratuites ou freemium dans le numéro 365 de BASES (décembre 2018).
On les citera ci-après :
- Google Patents (https://patents.google.com) ;
- The Lens (thelens.org) est un site gratuit d’origine australienne dont l’objectif est de favoriser l’innovation - on y trouve aussi des référence d’articles ;
- Patentinspiration est un site freemium qui a des liens avec la mouvance TRIZ ;
- FPO (Free Patents Online) est un autres site freemium appartenant à la société SumoBrain Solutions ;
- Octimine racheté en octobre 2018 par la société luxembourgeoise Dennemeyer est encore un autre site freemium. Il offre la particularité d’utiliser l’intelligence artificielle dans les recherches ;
- SureChEMBL en libre accès après son acquisition par l’European Molecular Biology Laboratory’s Bioinformatic institute en Angleterre est spécialisée dans la chimie. On peut effectuer des recherches en texte libre ou par la Lucene query search qui est plus sophistiquée ou encore par dessin des molécules.
La question des langues
Aujourd’hui, la quasi-totalité des brevets, y compris les brevets asiatiques sont traduits en anglais, dont une bonne partie de façon automatique. Compte tenu des progrès rapides des logiciels de traduction automatique, révisés ou non, les résultats sont de plus en plus lisibles, bien loin du charabia dont on devait se contenter il y a encore quelques années.
Pour ceux qui ont de l’expérience et du budget, on conseillera des outils professionnels très avancés
Il existe aussi des acteurs privés qui proposent des informations brevet mais de façon payante car, aux données de bases sur les brevets sont ajoutés des possibilités de recherche et d’analyse des résultats de plus en plus sophistiqués.
Les plus utilisés en France sont Orbit Intelligence de Questel, PatBase de Minesoft et Total Patent de Lexis Nexis, chacun ayant ses propres « recherches avancées » et modules de traitement spécifiques.
On signalera aussi les serveurs STN et Dialog Solutions qui proposent des bases brevets couvrant les principaux pays, à coté de bases de données de littérature scientifique.
Complément de culture brevet
Pour qu’un brevet soit effectivement délivré, et donc protecteur, il est nécessaire qu’il soit délivré par un office de brevet qui, dans la majorité des cas a, au préalable, procédé à un examen, qu’il ait résisté à l’analyse de l’examinateur de brevet de l’Office auprès duquel il a été déposé. Il faut se méfier de l’étendue de la documentation non standard dont disposent certains examinateurs. Nous avions rencontré il y a quelques années à l’OEB un examinateur néerlandais dont la famille avait été active dans les début de la construction aéronautique au Pays-Bas. Cet examinateur piochait parfois dans les archives familiales pour trouver d’anciennes publications qui dévoilaient déjà la technique qui lui était soumise pour examen, et qui, donc, n’était finalement pas nouvelle.
Comme les examinateurs de brevet ne sont pas infaillibles, il faut aussi que cette demande de brevet, une fois publiée, ait résisté à d’éventuelles oppositions ou demandes d’annulation pour différentes raisons telles que l’insuffisance d’activité inventive ou absence de nouveauté. A ce propos on signalera qu’une invention peut être antériorisée non pas seulement par un autre brevet, mais par n’importe quelle publication, y compris, par exemple, une bande dessinée, parue avant le dépôt du brevet. A titre d’exemple, citons une anecdote réelle : l’antériorisation d’un brevet sur le renflouage d’un bateau via une bande dessinée qui montrait comment les neveux de Donald (pas Trump) avaient renfloué un bateau en y injectant des balles de ping pong.
Lorsqu’un brevet n’est pas délivré, qu’elle qu’en soit la raison, son contenu devient ce que l’on appelle un art antérieur et personne ne peut plus déposer un brevet sur cette technologie et cette technologie devient libre d’exploitation.
Il en est de même en ce qui concerne les brevets dont le déposant a cessé de payer les annuités et qui tombent aussi dans le domaine public. Attention néanmoins à ce qu’un dépôt est réalisé dans un pays ou un groupe de pays et que les annuités sont payées pays par pays.