Les spécificités de l’IST pour la recherche d’information et la veille
Les différents usages de l’IST pour la veille et la recherche d’information
On l’oublierait parfois mais l’IST (information scientifique et technique) ne se résume pas aux sciences dites « dures ».
Le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation la définit de la manière suivante :
« L'information scientifique et technique (IST) regroupe l'ensemble des informations produites par la recherche et nécessaires à l'activité scientifique comme à l’industrie ».
Les sciences humaines et sociales (SHS) font donc pleinement parti du périmètre.
Dans un contexte de veille et de recherche d’information, l’information scientifique et technique peut venir jouer un rôle à différents niveaux.
Il peut s’agir de :
- faire un état de l’art sur un sujet donné pour analyser l’avancée de la recherche sur un sujet ;
- surveiller les publications et brevets de ses concurrents pour mieux comprendre leur stratégie globale ;
- effectuer une recherche d’antériorité pour limiter les contestations de son brevet ou de sa marque ;
- identifier dans le monde entier des experts avec lesquels collaborer ;
- faire une veille innovation pour détecter des tendances et produits innovants ;
- réaliser une veille sociétale en analysant les articles, études et données en SHS ;
- enrichir sa veille métier, etc.
Pour les professionnels de l’information qui réalisent une veille métier afin de comprendre les tendances et évolutions du domaine et ce qui pourrait venir impacter leurs pratiques futures, il est intéressant d’inclure l’information scientifique et technique à son périmètre de surveillance en plus des traditionnels titres de presse spécialisés, blogs, experts sur les réseaux sociaux ou encore sites d’acteurs spécialisés.
Parmi les disciplines à suivre de près, on retiendra bien sûr l’« information et communication » mais aussi la « recherche d’information » (information retrieval en anglais).
Attention la « recherche d’information » n’a rien avoir ici avec la recherche d’information telle qu’elle est pratiquée par les professionnels de l’information. Il s’agit d’une discipline liée à l‘informatique et qui consiste à étudier l’extraction automatisée de données (la science des moteurs de recherche en quelque sorte).
Prendre en compte la diversité des canaux de communication de l’IST
L’IST ne se résume pas non plus aux articles et revues scientifiques et académiques même s’ils représentent une part importante.
L’IST recouvre aussi bien :
- les articles scientifiques publiés dans des revues avec ou sans comité de lecture (ce qui n’est pas tout à fait la même chose) ;
- les preprints, c’est-à-dire des articles avant révision par des pairs ;
- les ouvrages scientifiques ;
- les brevets ;
- les thèses et mémoires ;
- les blogs scientifiques ;
- les données de la recherche ;
- les rapports scientifiques et académiques ;
- les comptes rendus de conférences et colloques, les posters ;
- les bibliographies.
Quand on se lance dans une recherche ou une veille en IST, il faut donc avoir conscience de cette diversité des sources et rechercher dans les différentes directions avec des outils et méthodes adaptées. C’est ce que nous verrons plus en détail dans l’article suivant « Comment bien rechercher l’information scientifique et technique ? ».
Adapter son vocabulaire pour la recherche
Quand on recherche dans le domaine de l’IST, il faut avoir pleinement conscience que les publications scientifiques sont des outils de communication entre le scientifique/chercheur et ses pairs ou un public averti. Très souvent, le vocabulaire utilisé ne sera donc pas le même que celui que l’on peut trouver dans la presse généraliste ou sur des sites grand public.
On adaptera donc ses stratégies de recherche et de veille avec des termes plus techniques que lors d’une recherche d’actualités ou business.
Les grandes tendances de l’IST et leur impact sur la veille
Le mouvement de l’open a révolutionné l’accès à l’IST
Si pendant longtemps, l’IST n’était accessible qu’à travers des abonnements ou l’achat de documents via les serveurs et bases de données scientifiques et techniques, cela a aujourd’hui bien changé notamment grâce au développement de l’open access et plus largement grâce au mouvement de l’open science qui inclut également l’open data, l’open citations, etc.
Il est difficile d’évaluer la part exacte de contenus en open access en 2020. Certains parlent de 20% là où d’autres vont jusqu’à 50% de la production scientifique et académique. Attention cependant, la part d’open access est très variable selon les disciplines. Ainsi, elle est bien plus importante pour le biomédical que pour les sciences de l’ingénieur par exemple et cela varie également selon les pays.
Pour les personnes qui souhaitent ponctuellement effectuer des recherches d’information scientifique et technique, il est ainsi possible de réaliser quelque chose d’acceptable sans avoir besoin de souscrire un abonnement à de grands serveurs et bases de données. Mais il faut avoir conscience que cela sera limité.
L’IST n’est pas épargnée par la désinformation
La question des fake news et de la désinformation sont des sujets récurrents notamment pour la presse, les moteurs et les médias sociaux. Le monde de l’IST n’est pas non plus épargné par ce phénomène et il faut en avoir conscience quand on fait de la veille sur ces contenus.
Il y a tout d’abord la question des articles rétractés : ce sont des articles parus dans des revues scientifiques (même dans des revues à comité de lecture supposées être « haut de gamme ») qui ont par la suite été invalidés soit à cause d’erreurs non intentionnelles mais le plus souvent à cause de fraudes et erreurs volontaires. L’éditeur se doit alors d’ajouter la mention « retracté » sur la référence de l’article et l’article lui-même.
Ces articles n’ont donc plus de légitimité scientifique et ne peuvent être utilisés dans le cadre d’une recherche ou d’une veille. Mais ces articles ne sont pas forcément faciles à identifier car ils peuvent toujours apparaître dans des références bibliographiques non mises à jour.
Si on a un doute, pour savoir si un article a été rétracté, on pourra utiliser la base de données gratuite spécialisée sur les articles rétractés (http://retractiondatabase.org). Cette base de données est incluse depuis peu dans le gestionnaire de références bibliographiques Zotero et indique automatiquement aux utilisateurs si certains des documents présents dans leur « bibliothèque » ont été rétractés.
On pourra également regarder sur le site Pubpeer, un site internet qui permet aux utilisateurs d’émettre des commentaires de façon anonymes mais aussi des soupçons sur des articles scientifiques (https://www.pubpeer.com/). L’anonymat permet ainsi à un chercheur de mettre en cause de façon argumentée une publication de ses responsables. Le site propose également des extensions de navigateur pour voir directement si un article a des commentaires sur Pubpeer, et peut être intégré dans Zotero grâce à une extension spécifique.
Il y a ensuite la question des « revues prédatrices », des revues qui ressemblent en apparence aux revues académiques classiques mais qui profitent du modèle de l’open access pour s’enrichir sans se soucier de la qualité des articles et de l’intégrité scientifique. De nombreux chercheurs se font ainsi leurrer et publient sans le savoir dans ces revues, ce qui peut nuire à leur réputation. Même si les articles publiés dans ces revues ne sont pas tous « mauvais », il faut néanmoins se méfier car ils ne font pas l’objet de vérifications. On pourra repérer ces revues en utilisant des sites comme https://predatoryjournals.com ou https://app.lib.uliege.be/compass-to-publish/.
Comme on le ferait avec des sources presse, médias sociaux ou blogs, il faut également s’interroger en amont sur la qualité et la fiabilité des sources de l’IST.
Dans l’article « Comment bien rechercher l’information scientifique et technique ? », nous allons maintenant nous intéresser aux grands outils, sources et méthodes à connaître pour bien rechercher l’information scientifique et technique. Cela diffère de la recherche sur le web classique et pour une fois, le moteur web de Google n’est pas d’une très grande utilité.