Information et publicité : des liaisons dangereuses pour la veille ?

Carole Tisserand-Barthole
Netsources no
141
publié en
2019.08
1262
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Le monde de l’information et le monde de la publicité sont à première vue diamétralement opposés et ne semblent pas faire toujours bon ménage. L’information affiche des faits et données présentés d’une manière la plus objective possible, là où la publicité cherche à mettre en avant les qualités d’un produit ou d’un service dans un but de vente, en occultant les aspects négatifs et en s’éloignant souvent de la réalité...

Cependant, pour les professionnels de l’information et veilleurs, la frontière entre ces deux mondes est de plus en plus poreuse et il leur devient impossible d’ignorer l’intrusion de la publicité dans le contenu informatif qu’ils doivent désormais prendre en compte.

En effet, surveiller des publicités peut fournir des éléments de compréhension et d’analyse sur la stratégie d’une entreprise, ce qui peut être très intéressant dans un contexte de veille concurrentielle, stratégique, marketing et parfois même R&D.

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Par ailleurs, on constate l’irruption de nouveaux contenus dans les médias. Les marques et entreprises regorgent d’inventivité pour promouvoir leurs produits et services en les mêlant à des contenus informatifs et en tirant parti de nouveaux médias (podcasts, Stories, Lives, etc.) et formats de communication et marketing sans cesse réinventés (inbound marketing, social selling, marketing automation, etc.).

Dans ce contexte, le veilleur se doit aussi d’être toujours plus vigilant dans son rapport à l’information où s’entremêlent en permanence information et publicité.

Le seul problème, c’est que les outils et méthodes classiques de la veille et de la recherche d’information n’intègrent pas du tout cette dimension publicitaire. Les agrégateurs de presse, par exemple, n’indexent que les articles de presse mais pas les encarts publicitaires. Il en est de même sur le Web : on ne peut pas rechercher sur des contenus publicitaires depuis le moteur Web de Google ou encore Google Actualités pas plus que dans des outils de veille classiques. Il faut alors se tourner vers des outils et méthodes issus de disciplines voisines (marketing, SEO, etc.) et en tirer parti.

On ne peut aujourd’hui s’informer et se former à la veille en se limitant à des sources et contenus purement «infodoc», veille ou intelligence économique. Il faut comprendre et s’inspirer de ce qui existe en dehors des frontières de ce secteur et notamment au niveau du journalisme, du SEO, du marketing, de la communication, de la publicité, etc.

Comment réaliser une veille et recherche d’information appliquée à la publicité en 2019 ?

Il faut tout d’abord avoir conscience que l’on ne fait pas de la veille sur les publicités classiques (TV/radio) de la même manière que sur de la publicité Web. Chaque type de publicité a ses spécificités et requiert des outils et méthodes spécifiques.

  • Quels sont aujourd’hui les outils et acteurs spécialisés pour réaliser une veille « publicitaire » classique sur les médias (presse, TV et radio) et peut-on y parvenir par ses propres moyens ?
  • Comment peut-on aujourd’hui faire de la veille sur la publicité en ligne ?
  • Comment les nouvelles formes de marketing réduisent toujours plus la frontière entre information et publicité quitte à la rendre invisible et en quoi cela impacte-t-il les pratiques de veille et de recherche d’information ?
  • Quels sont les bons réflexes à adopter ?
C’est à toutes ces questions que nous avons choisi de répondre dans ce numéro de NETSOURCES.

Un peu d’histoire : de l’espace dédié dans la presse aux nouvelles formes de publicité

Avant d’aborder les possibilités offertes pour la veille appliquée à la publicité, il convient de revenir brièvement sur l’histoire de la publicité pour mieux comprendre le contexte.

On l’aurait presque oublié mais la publicité de « masse » n’existe que depuis le 19e siècle. On retrouve bien quelques traces d’affichage public à vocation promotionnelle dès l’Antiquité mais cela reste très limité (annonce d’un combat de gladiateurs par exemple). Pendant des siècles d’ailleurs, elle n’existe que sous deux formes : la distribution de cartes de visite et l’affichage mural.

Elle ne fait son apparition dans les médias qu’au 19e siècle. En France, « le 16 juin 1836, Émile de Girardin fait insérer pour la première fois dans son journal, la Presse, des annonces commerciales, ce qui lui permet d’en abaisser le prix, étendre le lectorat et optimiser la rentabilité. La formule, révolutionnaire, est immédiatement copiée ». (Source : Wikipédia).

La première projection de film publicitaire en France date de 1898 puis s’en suit l’intégration de spots radio dans les années 20 puis plus tard à la télévision. Avec l’arrivée d’Internet, on a progressivement pu voir apparaître la publicité via les résultats sponsorisés sur les moteurs ainsi que l’achat d’espace publicitaire sur les sites, blogs, réseaux sociaux, etc.

Si pendant longtemps, la publicité était principalement cantonnée à un espace précis et dédié (encart publicitaire sur un site ou dans un journal, panneau publicitaire, etc.), force est de constater que les marques redoublent d’inventivité pour faire de la publicité sur tous les supports possibles et imaginables et de manière plus ou moins explicite quitte à verser dans la supercherie (voir figure 1.).

Cette distinction entre information et publicité est donc de moins en moins visible.

Figure 1. La marque d’équipements sportifs North Face a récemment remplacé certaines photographies de paysage sur Wikipédia par d’autres incluant leurs produits