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Les obstacles à la recherche d’informations financières d’entreprises à l’étranger

Netsources no
146
publié en
2020.05
3937
Les obstacles à la recherche d’informations financières ... Image 1
Les obstacles à la recherche d’informations financières ... Image 1

Dans le précédent dossier de NETSOURCES (n°145 - mars-avril 2020), nous avons vu qu’obtenir des informations financières sur une société peut s’avérer difficile. Ceci est d’autant plus vrai lorsque la cible est une entreprise de moindre taille et localisée sur un autre continent.

Les lecteurs situés dans les pays occidentaux ont l’habitude d’un cadre législatif obligeant la plupart des entreprises à déposer leurs comptes auprès d’un organisme étatique. De plus, ils sont habitués à rechercher et trouver des données concernant les entreprises présentes dans leur environnement économique, leur donnant une idée plus ou moins précise de la taille et des performances de leurs cibles. Ceci, notamment grâce à des sociétés spécialisées dans la collecte et la diffusion d’informations concernant les entreprises en Europe et en Amérique du Nord. On pensera notamment à Orbis, Dun & Bradstreet, Bloomberg, Refinitiv, mais aussi Société.com et Kompass. Le gratuit trouve toutefois ses limites et le coût d’utilisation de ces bases de données peut rapidement devenir conséquent.

Cet article tente donc de donner une méthodologie de recherche d’informations sur des entreprises qui soit réplicable quelle que soit la zone géographique. Nous avons pris pour illustrer cette problématique l’exemple de l’Amérique Latine (la zone Caraïbes a été exclue).

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Voir aussi le dossier -> NETSOURCES n°145 - mars-avril 2020


Evaluer les chances de succès

Avant de commencer les recherches, il faut bien sûr déterminer la cible, car chaque cible nécessitera un niveau d’investissement différent en temps, efforts et argent. La méthodologie développée dans cet article convient particulièrement aux deux derniers des trois cas de figure exposés ci-dessous.

  • Il peut s’agir d’une entreprise transnationale possédant des filiales ou des succursales dans de nombreux pays d’Amérique Latine. Dans ce cas, il est probable que l’entreprise diffuse elle-même ses résultats financiers par souci de transparence auprès de ses investisseurs. La recherche portera donc plutôt autour de l’entreprise elle-même, de ses déclarations, et surtout de ses rapports annuels. On pourra notamment utiliser les fonctionnalités avancées de Google (filetype:pdf par exemple pour rechercher sur des pdf uniquement car les rapports annuels sont généralement sous ce format).
  • Il peut s’agir d’une entreprise de taille moindre et dont les activités se limitent à un pays ou à une région du pays, auquel cas, il faudra recourir à une méthodologie de recherche plus approfondie.
  • Enfin, il peut s’agir d’une recherche sur plusieurs entreprises d’un même secteur, mais de différents pays. On peut penser à des entreprises d’extraction minière ou agroalimentaires en Amérique Latine.

Elaborer une «stratégie de recherche locale» :

Comprendre l’environnement business

Pour optimiser la recherche, il est utile de connaître l’organisation politique, économique et administrative, voire culturelle, du ou des pays dans lesquels opèrent les entreprises ciblées. Selon la structure politique et administrative des États, les points d’entrée pour l’accès aux informations des entreprises ne seront pas les mêmes.

Ainsi, dans un État centralisé, comme en Équateur ou au Nicaragua, un guichet unique recense et officialise les sociétés privées. Dans les États fédéraux au contraire, comme au Brésil, les différences entre États fédérés peuvent être claires, et on pourra trouver un service d’enregistrement par État. Ce n’est pas systématique, puisque le Mexique impose à toutes les entreprises, quel que soit leur Etat mexicain d’origine, de déposer leurs comptes de façon centrale auprès du Secrétariat du Commerce.

  1. Les ressources du Ministère des Affaires Etrangères français, les rapports Doing Business de la Banque Mondiale et les rapports de grands cabinets tels EY, KPMG, PwC, Deloitte ou Capgemini, peuvent améliorer la compréhension des pays de la zone.
  2. Dans une autre perspective, comprendre qu’un pays est un paradis fiscal permet d’aborder l’absence partielle ou totale de résultats avec plus de recul. C’est le cas du Belize et du Panama, bien qu’ils promeuvent un message de transparence.

Comprendre l’environnement législatif en matière de publication des comptes financiers

Une fois que l’environnement business du pays est mieux appréhendé, il est pertinent de se pencher sur les règles législatives régissant les comportements et les obligations des entreprises. En France, la plupart des formes de société sont tenues de déposer leurs comptes sociaux auprès du Tribunal de Commerce de la région dans laquelle se situe leur siège social. Cependant, l’obligation de publication de ces comptes tient à la taille et aux résultats financiers de l’entreprise. Une petite structure n’a aucune obligation de publication.

Ces obligations sont détaillées dans le Code du Commerce français.

De la même manière, explorer les textes législatifs traitant de l’activité commerciale des différents pays permet de connaître le niveau de transparence attendu des sociétés. Ainsi, en Amérique Latine, l’expression Código de Comercio suivi du nom du pays visé donne accès au texte de loi dans les pays hispanophones. Au Brésil, le Código Comercial et le Código Civil se complètent en matière de dépôt des comptes. Au Guyana, la langue anglaise est d’usage, et le Code on Coporate Governance semble être la référence.

Les Codes du Commerce sont assez similaires les uns des autres, et la traduction des termes « comptabilité » et « publication » permet de rapidement repérer les passages clefs. Utiliser un outil de traduction automatique permet ensuite de bien les comprendre, si la langue est inconnue.

La plupart des Code du Commerce des pays d’Amérique Latine obligent les entreprises à déposer leurs états financiers auprès d’une administration, mais très peu les obligent à les rendre publics, exception faite de certains types de sociétés que nous abordons plus bas.

Typologie des sources à explorer

Les portails d’enregistrement des entreprises

De la même manière qu’en France où l’Insee et le greffe du Tribunal de Commerce listent et officialisent les entreprises, trouver et accéder aux différents portails d’enregistrement en Amérique Latine permet de connaître l’état d’activité d’une société. Ces portails permettent de vérifier la raison sociale d’une entreprise, que l’on aura obtenue au préalable ou grâce au moteur de recherche du portail, et donc son statut officiel et actualisé.

  • La compréhension de l’environnement politique, administratif et législatif prend ici tout son sens. En effet, le Brésil propose autant de guichets d’enregistrement que d’États fédérés, dont la liste se trouve ici : http://www.juntacomercial.pr.gov.br/modules/conteudo/conteudo.php?conteudo=5
  • D’autres pays, comme la Colombie, le Salvador, entretiennent respectivement un Registro Mercantil et un Centro Nacional de Registros où l’on peut accéder au statut commercial d’entreprises : https://www.rues.org.co/RM et https://www.cnr.gob.sv/balances-organo-oficial-del-registro-de-comercio/
  • Le site du greffe du Tribunal de Commerce de Paris propose un très discret moteur de recherche des sites de registres internationaux : http://old.greffe-tc-paris.fr/fr/rci_lexique.php. A noter que certains liens renseignés sont peu fiables ou invalides.
  • Si l’on ne connait pas le pays dans lequel une société est enregistrée, on peut essayer OpenCorporates (https://opencorporates.com/). Ce moteur rassemble des données ouvertes sur plus de 160 millions d’entreprises dans plus de 130 juridictions et constitue un bon point de départ pour obtenir des données de base sur une entreprise et identifier des sources d’informations complémentaires. Pour chaque enregistrement d’entreprise, on trouve généralement un lien vers le registre officiel.

Les Chambres de Commerce nationales ou régionales

Le rôle de ces organisations est de participer à l’attractivité économique de leur zone et elles rassemblent bien souvent un réseau d’entreprises d’importance. Les Chambres de Commerce de Medellin et de Barrancabermeja en Colombie proposent des listes d’entreprises dans différents secteurs : https://www.vitrinaempresarial.com/!/vitrina/home et http://www.ccbarranca.org.co/ccbar/index.php/noticia-mercantil

Les sociétés publiques, financières et/ou cotées en Bourse

Du fait des ordres de grandeur des montants traités et du caractère sensible des bourses de valeurs, les sociétés publiques financières et/ou cotées en Bourse ont un traitement législatif différent.

Pour ces sociétés particulières, des obligations spécifiques s’appliquent dans plusieurs pays d’Amérique Latine quant à la publication de leurs comptes et résultats. Ainsi, en Argentine, les sociétés publiques doivent déposer leurs états financiers auprès de la Comisión Nacional de Valores et leur publication est obligatoire : https://www.cnv.gov.ar/SitioWeb/. La Bolivie, le Chili, le Panama, et le Pérou centralisent et mettent à disposition du public les résultats de ces catégories d’entreprises.

La presse nationale et locale

Rechercher les périodiques nationaux et locaux des pays où exerce l’entreprise cible permet de trouver des informations pertinentes. Pour les plus grandes entreprises, les sections économiques des périodiques à couverture nationale sont indiquées, car ladite entreprise a un impact au niveau national. À l’inverse, pour les entreprises de taille moindre, les journaux régionaux et locaux sont plus pertinents, car concernés par l’activité et l’emploi locaux.

Conclusion

La recherche sera différente selon la taille de l’entreprise visée, le niveau d’information attendu, et surtout le pays. Nous avons pris l’exemple de l’Amérique Latine au long de cet article, mais les points à aborder et leur séquençage sont à la fois reproductibles à d’autres zones géographiques et modulables selon les besoins et les contraintes de cette zone.

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