Premiers résultats du test
Tous les outils ne se valent pas et en challengeant divers canaux d’information gratuits et payants nous avons cherché à évaluer les avantages et manques à gagner de chacun. Dans une logique empirique nous avons donc confronté notre requête pour observer comment se comportait chaque outil en conséquence et savoir si les grands outils de recherche peuvent finalement suffire pour ce type de recherche.
- Il est ressorti de cette étude comparative qu’effectivement les agrégateurs de presse offrent un volume d’information très satisfaisant sur l’Afrique autant sur la presse locale qu’internationale. Outre le fait de proposer un accès simplifié à un corpus non négligeable de sources, ils permettent de construire des stratégies complexes. Cependant, pour éviter toute déconvenue, il est recommandé d’évaluer le catalogue des sources et surtout de voir si l’outil propose bien l’article en texte intégral et ne se contente pas d’indexer simplement le titre et le résumé.
Aussi, la plupart des plateformes proposent une option de recherche sur les réseaux sociaux comme NewsDesk ou sur l’audiovisuel pour Tagaday, leur prestation reste pour l’heure relativement sommaire lorsqu’il s’agit de médias étrangers. - Google News, n’est pas aussi « exhaustif » en termes de résultats purement presse surtout au niveau des sources locales, mais il offre une diversité dans la nature des contenus en indexant des blogs et forums en plus des grands titres de presse, et ce, gratuitement, sous réserve d’accès bien entendu.
- En se positionnant également sur d’autres sites d’information locaux un peu plus discrets, il va être très compliqué de retrouver ces sites ailleurs que sur le web ouvert et qui plus est, il va être encore plus difficile d’intégrer ces sites dans un plan de veille automatisé du fait de la limitation des fonctionnalités dudit site web (absence de flux RSS ou d’option de recherche avancée). Avantage notable sur Google News : la couverture des médias audiovisuels qui sont plus accessibles, car indexés dans les rubriques vidéos et images notamment YouTube où de nombreux organismes de presse diffusent leur reportage à l’instar des Echos qui avait couvert le lancement du projet en 2013.
- En ce qui concerne les réseaux sociaux, il a été très intéressant de voir émerger des profils d’individus, parties prenantes de ce projet immobilier, interpelés et tagués notamment sur Twitter.
De plus, en marge du contenu corporate relayé par les comptes officiels d’Eko Atlantic, émergeait l’opinion publique plutôt positive en plus de contenus multimédias que l’on ne retrouvera pas dans les agrégateurs de presse internationale. On notera notamment une vidéo réalisée par drone du site de construction et relayée sur un groupe ouvert Facebook.
En gardant à l’esprit que l’outil unique n’existe pas, la recherche d’information se présente sous la forme d’une compilation de méthodologies, de stratégies de recherche et d’outils divers. La complémentarité des approches s’avère nécessaire lorsqu’il s’agit de rechercher dans un pays peu représenté médiatiquement. À l’issue de ce test, il est apparu évident qu’on ne pouvait pas faire l’impasse sur une phase d’investigation en amont pour bien maîtriser toutes les spécificités inhérentes au pays mais aussi à la région.
A la découverte du paysage médiatique
Un bon sourcing requiert donc une phase d’investigation pour bien comprendre l’organisation, les spécificités et les diverses sources d’informations d’un pays que l’on découvre. Il est primordial d’évaluer le potentiel informationnel du pays afin d’en dresser son paysage médiatique global.
1. En se plongeant dans l’histoire du pays et de son passé (ancienne colonie, pays occupé en temps de guerre sur plusieurs années, flux migratoires, forte implantation étrangère au niveau business, etc.), il sera possible d’identifier les langues présentes sur sa zone de recherche ainsi que les diverses influences linguistiques ou dialectes présents sur le territoire.
Cela permettra un réajustement autant au niveau des déclinaisons linguistiques de sa recherche que dans la découverte de la presse locale. Dans l’exemple du Nigeria la « mégadiversité » des dialectes n’a pas l’air de se répercuter dans la presse locale et avec un simple paramétrage en anglais et français, l’information remonte sans problème. Néanmoins, dans l’usage, il faut savoir que l’anglais, bien qu’étant la langue officielle, n’est pas maîtrisé par l’ensemble de la population nigériane qui échange plutôt avec des langues autochtones comme le haoussa, le yoruba et l’igbo.
2. En étudiant la politique du gouvernement en vigueur, on pourra évaluer notamment le niveau d’indépendance de la presse vis-à-vis du gouvernement et ainsi pondérer le niveau de fiabilité d’une source en fonction.
Ce second critère fait émerger certaines questions : peut-on se contenter des canaux d’informations officiels du pays où doit-on opter pour les sources internationales qui auraient un regard extérieur plus objectif ? Ou alors, doit-on aller creuser un peu plus loin pour trouver des réseaux d’informations informels (via les réseaux sociaux, blogs, forums, etc.) ou via de nouveaux canaux à l’instar des ONG ? Une situation qui peut être déterminante lorsque l’on souhaite notamment atteindre des informations propres à une société. Dans certains cas, selon la proximité du gouvernent avec les sociétés, les informations peuvent être lissées et la stratégie d’investissement complètement opaque. A ce moment on ira jusqu’à s’engager dans des investigations approfondies en sollicitant les réseaux humains.
En 2019, des étudiants de l’Université d’Oxford ont présenté un rapport mondial sur l’influence de chaque gouvernement sur ses médias respectifs, permettant de dresser le panorama des pays ayant recours à la propagande d’État en détaillant notamment l’ensemble des techniques de communication employées pour influencer l’opinion publique : https://comprop.oii.ox.ac.uk/wp-content/uploads/sites/93/2019/09/CyberTroop-Report19.pdf. Dans le cadre du test, il a été brièvement évoqué que le projet était principalement bien accueilli dans la presse locale en raison de la participation de Bill Clinton, principal soutien financier de la Fondation d’Eko Atlantic.
On ne manquera pas de s’intéresser au système global de publication dans le pays, identifier les autorités de régulations de la presse et de l’audiovisuel, caractériser si le média appartient à une organisation privée ou publique et en particulier comprendre le fonctionnement économique des titres de presse. A ce propos, nous avons constaté qu’en Afrique nous étions bien moins confrontés à des paywalls systématiques, contrairement à ce que l’on observe en France.
A noter cette étude de l’UNESCO en 2012 qui offre un tour d’horizon des divers modèles médiatiques de 28 pays ainsi que leur particularité autant au niveau du cadre légal qu’à l’offre médiatique : http://uis.unesco.org/sites/default/files/documents/media-landscape-in-28-countries-results-from-a-uis-pilot-study-fr.pdf
3. Enfin, au-delà de la presse, et au cours de ces recherches préliminaires visant à mieux maîtriser son espace de recherche, il serait aussi judicieux d’identifier les acteurs institutionnels officiels, les ONG présentes sur le périmètre, les instituts statistiques couvrant la zone… En somme, identifier l’ensemble des parties prenantes locales gravitant autour de son besoin en information.
Ici, il était important d’identifier les financeurs du projet, en effet Bill Clinton figurant parmi les principaux investisseurs, d’énormes sommes d’argents sont en circulation. C’est ce que déplore l’ONG représentée par Adetokunbo Mumuni, Executive Director, Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP) qui critiquait fermement, dès 2013, le décalage entre les conditions de vie de la population locale du quartier du Lagos qui gagne en moyenne 80$ par mois et l’envergure du projet destiné à une élite très aisée.
Construction de son sourcing
Il n’est pas question de dresser la fiche d’identité détaillée du pays ou de la région, mais bien de se familiariser avec, tout en restant dans son cadre de recherche. Mais le fait de savoir au préalable où se trouve l’information, quel organisme détient potentiellement les informations souhaitées représente un avantage considérable.
- Un point de départ non négligeable est de passer par des catalogues en ligne répertoriant les médias les plus emblématiques d’un pays ou d’une région. Le plus complet ayant une couverture mondiale est Mediarequest http://www.mediasrequest.com/fr/index.html.
- Il existe aussi des sites de presse dédiés avec un scope plus local comme par exemple pour l’Algérie avec : http://www.pressealgerie.fr/ ou sur le site de Courrier International qui offre un index de ses sources par pays https://www.courrierinternational.com/notule-source/pays, et qui poursuit de classer ses articles par pays en citant systématiquement ses sources dans le texte.
- Les sites des ambassades proposent aussi une sélection de médias comme pour Malte https://mt.ambafrance.org/Les-Medias-Maltais pour aider les futurs expatriés à se projeter dans leur nouvel environnement médiatique, mais ces listes sont plus succinctes et peu mises à jour. On citera également Wikipedia qui, dans certaines pages pays, évoque les médias nationaux les plus importants comme ici sur la page de la Bulgarie https://en.wikipedia.org/wiki/Bulgaria .
- Enfin, lorsqu’il s’agit de rechercher de l’information sur un territoire particulier, les médias traditionnels ne sont pas les seules sources d’information. Encore une fois, tout dépend de la recherche en elle-même, mais les ONG publient régulièrement des études sur des problématiques démographiques, sociales économiques et politiques. Un puits d’information précieux à intégrer dans son champ de recherche.
- Aussi, les blogs spécialisés, les forums de discussion, les personnes influentes sur les réseaux sociaux comme des journalistes indépendants sont des sources alternatives, à considérer pour enrichir et compléter son corpus.
Conclusion
Au fil des recherches, les connaissances acquises en amont faciliteront l’appréhension des résultats et permettront de pondérer l’information obtenue. Cette compréhension du pays et de son écosystème médiatique va influencer premièrement la méthodologie de recherche et aider à réajuster et compléter son portefeuille de sources si besoin ; deuxièmement elle facilitera l’interprétation des informations et affinera l’analyse.
Concernant les voies d’accès à l’information, une approche multicanal et « hors des sentiers battus » sera privilégiée. Les médias traditionnels demeurent incontournables, cependant, les réseaux alternatifs peuvent devenir de précieuses sources d’informations, que ce soit à travers les réseaux sociaux et blogs, auprès de sociétés locales, instituts de recherche et ONG.