Bases & Netsources - Accueil

L’intelligence économique commence par une veille intelligente

Retour sur le Challenge de la veille 2019

Netsources no
138
publié en
2019.02
800
Retour sur le Challenge de la veille 2019 Image 1
Retour sur le Challenge de la veille 2019 Image 1

Le 31 janvier dernier, nous avons été invités à faire partie du jury du Challenge de la veille, une compétition inter-IUT pour les étudiants de 2ème année de l’option Information Numérique dans les Organisations.

Ce concours existe depuis maintenant 19 ans. Cette année, 9 IUT étaient présents : Besançon, Bordeaux, Dijon, Le Havre, Lyon, Nancy, Strasbourg, Toulouse et Tours.

L’expérience ayant été très enrichissante, nous avons souhaité y consacrer un article dans NETSOURCES.

Lire aussi :

L’évolution de la frontière gratuit/payant impacte la veille stratégique et technologique
Quand les outils de veille intègrent les contenus payants à leurs offres
Le retour en grâce de la newsletter
En direct de Google


Il s’agit tout d’abord d’une initiative très formatrice et intéressante pour les étudiants, qui mériterait d’être répliquée dans toutes les formations liées à la veille et la recherche d’information. Elle permet aussi d’en dire long sur la façon dont les étudiants sont aujourd’hui formés à la veille et qui seront pour certains les veilleurs de demain.

D’autre part, comme nous sommes toujours en quête de méthodologie de recherche et de veille dans NETSOURCES, cette expérience nous a donné matière à réfléchir sur un cas pratique et concret. Nous retranscrirons ici les méthodologies et angles de recherche et de veille que nous avons trouvés intéressants et qui peuvent être transposés à d’autres sujets, thématiques et secteurs d’activité.

Le fonctionnement du Challenge de la Veille

Chaque année, le sujet est proposé par une entreprise de dimension internationale et le jury se compose de membres de cette entreprise et de professionnels de la veille.

Une fois le sujet dévoilé, plusieurs équipes s’affrontent au sein de chaque IUT et chaque IUT désigne en ensuite l’équipe qui la représentera lors de la finale, qui avait lieu cette année à Tours.

Lors de cette phase, les participants peuvent poser des questions au commanditaire par l’intermédiaire de l’IUT organisateur.

Le livrable final (qui doit être rendu une dizaine de jours après l’annonce du sujet) se compose pour chaque équipe :

  • d’une note de synthèse de 8 pages (+ des annexes) ;
  • d’une bibliographie structurée ;
  • d’une infographie ;
  • ainsi que d’une note de préconisations de veille.

Le jour de la finale, chaque équipe présente son projet devant le jury pendant 15 minutes. S’en suivent alors 10 minutes de questions avec le jury.

Le sujet 2019 : la stratégie d’e-réputation de STMicroelectronics

Cette année, le sujet était proposé par STMicroelectronics :

« STMicroelectronics est un leader mondial du semiconducteur, secteur hyper concurrentiel de l’industrie de pointe. (...)À ce jour, STMicroelectronics, pas ou peu connue du grand public contrairement à certains de ses concurrents, souhaite développer son image publique, notamment pour devenir un employeur attractif au-delà de sa zone d’implantation locale.La question stratégique qui intéresse l’entreprise est donc : « Comment faire connaitre plus largement STMicroelectronics auprès du grand public français pour attirer les talents ? ». Ce qui revient à savoir quelle stratégie d’e-réputation STMicroelectronics doit et peut mettre en place auprès du grand public en mesurant risques et opportunités pour son image de marque ? »

Un sujet très intéressant qui :

  • nécessitait de bonnes connaissances en matière de recherche d’information pour réaliser une analyse de l’existant de qualité ;
  • offrait des possibilités de préconi­sations de veille qui allaient au-delà de la simple veille e-réputation ;
  • montrait bien l’importance de la veille et de la recherche d’information dans le processus stratégique des entreprises ;
  • et enfin, faisait appel à des compétences connexes mais tout aussi utiles comme la communication ou encore le marketing.

Les qualités des professionnels de la veille de demain

Les participants avaient pour la majorité d’entre eux une vingtaine d’années ; ils ont certes encore beaucoup à apprendre, notamment en matière de méthodologie de veille et de recherche, de connaissance des sources et des outils, et de dialogue en amont avec le commanditaire. Mais ce que nous avons pu voir nous a donné bon espoir quant aux futurs professionnels de l’information qui arriveront sur le marché du travail dans les années à venir.

Il y avait tout d’abord chez tous les participants un investissement sincère et un réel enthousiasme autour du projet en lui-même. Toutes les équipes sans exception avaient réussi à fournir en peu de temps une importante charge de travail.

Chez la plupart, on pouvait également détecter de bonnes capacités d’analyse notamment pour la compréhension du sujet et l’analyse de l’existant.

Élément très important, il y avait chez toutes les équipes une excellente maîtrise des visuels et des livrables (très bonnes infographies, mindmapping, cartographies, etc.), ce qui est aujourd’hui une compétence-clé pour la veille et la recherche d’information. Les décideurs ayant de moins en moins de temps pour lire, il est plus important que jamais de savoir délivrer la bonne information à la bonne personne au bon moment, et de proposer des livrables de veille synthétiques et visuels.

Quant aux recommandations et préconisations, elles étaient souvent créatives et pertinentes, qu’il s’agisse de recommandations liées à la veille ou plutôt à l’événementiel, le marketing ou la communication ou encore le référencement. Cette capacité à dépasser les simples frontières de l’infodoc sont un atout indéniable.

Enfin, la majorité étaient à l’aise oralement, savaient être percutants, transmettre leurs idées et les défendre.

Savoir communiquer efficacement, mettre en valeur la valeur ajoutée et l’apport stratégique de la veille au sein des organisations, savoir sortir du cadre stricto sensu de l’infodoc pour explorer des domaines connexes sont des qualités dont on aura de plus en plus besoin à l’avenir. Et ces futurs professionnels n’en manquent pas !

Cas pratique : Comment faire connaitre plus largement STMicroelectronics auprès du grand public français pour attirer les talents ?

Au stade de l’analyse du sujet, les participants ont pu poser des questions au commanditaire.

Même si l’exercice ne permet pas un dialogue en direct avec ce dernier, il a néanmoins le mérite de montrer l’importance et la nécessité du dialogue entre le professionnel de l’information et ses clients/usagers.

Car c’est bien une des forces de l’humain par rapport à une machine ou un outil : la compréhension fine et précise de l’intention et des besoins de l’utilisateur.

De l’importance du dialogue avec le commanditaire

Même si on aurait pu espérer plus de questions, celles posées étaient pertinentes et permettaient de définir précisément le concept de « talent », en l’occurrence des professionnels susceptibles de travailler dans tous les services, à tous les niveaux, d’assistant de production jusqu’à ingénieur et y compris à la R&D.

Il aurait aussi pu être intéressant de poser des questions sur ce que l’entreprise entendait par « grand public ». Selon qu’on souhaite se faire connaître de n’importe quelle personne (de l’enfant au retraité) ou bien uniquement des personnes sur le marché du travail ou qui le seront bientôt (lycéens et étudiants), cela n’engage pas les mêmes actions et préconisations. Or l’entreprise souhaitait toucher le grand public au sens large et certains participants se sont plus focalisés sur le « grand public » en cohérence avec le BtoB, occultant ainsi tout un pan du sujet.

De l’importance de savoir mener une bonne recherche d’information pour l’analyse de l’existant

Effectuer une analyse de la situation la plus complète possible pour proposer des recommandations pertinentes nécessite avant tout de bonnes capacités de réflexion et une bonne recherche d’information.

Analyse de l’existant chez STMicroelectronics

Tous les participants sans exception ont choisi d’analyser les réseaux sociaux de STMicroelectronics : sur quels réseaux sociaux sont-ils présents, quel type de contenu y est publié, dans quelle langue, quel est le taux d’engagement par rapport aux contenus publiés ?

La majorité ont également exploré les sites où les employés peuvent noter et évaluer leurs entreprises à l’image de Glassdoor, Indeed afin de voir quelle image renvoyait STMicroelectronics sur ces sites.

Nombreux sont ceux qui ont également réalisé des recherches pour analyser les valeurs prônées par l’entreprise (valeurs humaines, environnementale, etc.).

En revanche, ils ont été moins nombreux à explorer des pistes pourtant très intéressantes, mais certains l’ont fait, comme :

  • les sites d’emploi et d’offres d’emploi (comme Monster, l’Apec, LinkedIn etc.) pour voir où l’on pouvait retrouver les offres de STMicroelectronics et si elles étaient visibles ;
  • le référencement du site (quelle est la visibilité du site Web notamment sur leurs sujets de prédilection comme les semiconducteurs, Iot, smart cities, smart cars, etc.)
  • un audit du site Web lui-même (clarté, caractère intuitif, structuration du contenu, etc.)
  • les actions de communications actuelles (Web, print, publicité, la présence sur des salons, conférences, partenariats avec des entreprises, écoles, associations etc.)
  • la réputation actuelle de STMicroelectronics sur les réseaux sociaux (que dit-on sur l’entreprise sur les médias sociaux)
  • la réputation actuelle de STMicro­electronics sur le Web, les forums, la presse en ligne, etc.
  • la mention de STMicrolectronics dans des produits finis célèbres (Nintendo par exemple)
  • l’image visuelle renvoyée par l’entreprise grâce à une recherche sur un moteur d’images (où il ressortait d’ailleurs que beaucoup d’images renvoyaient à des images de laboratoires avec des salariés en combinaison blanche ou bleue, ce qui n’était pas des plus chaleureux.)

Quelques équipes avaient également eu la bonne idée de réaliser des sondages, enquêtes ou interviews pour évaluer la réputation et la connaissance de l’entreprise.

Analyse concurrentielle

La quasi-totalité des équipes avait également choisi de s’intéresser aux concurrents, tout d’abord en les identifiant puis en analysant certains aspects ou certains concurrents uniquement. Quelques-uns avaient également eu la bonne idée d’aller étudier des entreprises d’autres secteurs d’activité qui avaient une bonne image grand public, des méthodes de recrutement innovantes, des sites percutants, etc. Une équipe avait notamment réalisé un intéressant benchmark sur le secteur du bâtiment.

Parmi les angles étudiés, on retrouvait :

  • l’analyse des réseaux sociaux de ces concurrents ;
  • l’analyse de leurs sites Web et de leur référencement ;
  • l’analyse de leur communication externe, de leurs actions de publicité, de leur politique RH ou encore de leurs partenariats.

Analyse sociétale

Peu nombreux sont ceux qui ont choisi d’analyser cet angle sociétal, pourtant très intéressant :

  • la manière dont les gens cherchent du travail aujourd’hui (quelles sources et quelles méthodes) ;
  • quelles sont leurs attentes vis à vis des entreprises (concilier vie professionnelle/vie privée, cadre de vie, RSE, ambiance, flexibilité, possibilité d’évolutions, etc.).

Finalement, c’est en compilant l’ensemble des neuf dossiers que l’on arrivait à une analyse très complète.

De l’analyse aux préconisations de veille

Les recommandations étaient ensuite de deux types :

  • des préconisations de veille (quel type de veille à mettre en place avec quelle méthode et quel outil) ;
  • des préconisations liées à la communication et les ressources humaines (communication sur les réseaux sociaux, référencement, publicité, mise en valeur des produits finis, événements, partenariats, influenceurs, méthodes de recrutement innovantes, formation, etc.).

Nous nous concentrerons dans cet article sur les recommandations de veille.

Parmi les veilles à mettre en place, on retrouvait :

  • une veille e-réputation ;
  • une veille concurrentielle (stratégie des concurrents sur les médias sociaux, leur communication, leurs partenariats, leurs méthodes de recrutement, etc.) ;
  • une veille événementielle (salons, conférences, etc. où l’entreprise pourrait être présente) ;
  • une veille RH (sur les nouvelles tendances de recrutement, identification de talents potentiels).

Tous ou presque recommandaient l’embauche d’un professionnel de l’information.

A ce stade, il y avait peu d’information sur les méthodes pour la mise en place de la veille mais surtout des recommandations d’outils.

Certains recommandaient d’ailleurs directement un outil de veille spécifique, ce qui nous a semblé un peu prématuré à ce stade, mais qui illustre bien la force commerciale et marketing des différents outils de veille présents sur le marché.

Mieux vaut définir tout d’abord les grands axes de veille et proposer une estimation de la charge de travail que cela représente (est-ce que cela peut être ajouté à la fiche de poste d’une ou plusieurs personnes ou bien faut-il prévoir des recrutements de professionnels de l’information ?).

La mise en place de la veille (définition précise des sujets, identification des sources, benchmark des outils, mise en place, etc.) ne peut être réalisée que dans un deuxième temps.

Au final, si l’initiative a été bénéfique pour tous, que ce soit les étudiants, les enseignants et le jury, nul doute que STMicroelectronics ne doit maintenant pas manquer d’idées et de ressources pour améliorer sa visibilité !

Les abonnés peuvent poster des commentaires ! N'hésitez pas à vous abonner à Bases et Netsources...

HELIX_CLOSE_MENU