Quels types d’informations ?
A l’heure de la mondialisation, la grande majorité des entreprises du secteur industriel dispose d’usines aux quatre coins du monde.
La recherche d’information sur des usines situées dans les pays émergents ou en voie de développement n’est pas facile, notamment en raison de la barrière de la langue et du degré de corruption parfois élevé des administrations locales de ces pays, rendant les données fournies par ces dernières peu fiables.
Identifier et localiser les usines de ses concurrents n’est pas si facile à réaliser. Certes, il s’agit d’entités légales affiliées à la maison mère mais leur raison sociale peut être très différente de celle de la maison-mère. La majorité des grandes entreprises signale tout de même de façon assez exhaustive sur leurs sites Web leurs différentes localisations, et généralement une grande partie de leurs usines.
Cela se complique encore quand il s’agit d’obtenir des informations plus précises sur ce qui se passe à l’intérieur des usines (fonctionnement, capacités, investissements, incidents, etc.) car les entreprises se font généralement discrètes. Même pour les entreprises cotées, les rapports annuels et autres documents publics fournissent généralement peu d’information sur les usines.
Mais alors, de quels éléments peut-on avoir besoin sur les usines de ses concurrents et quelles informations a t-on une chance d’obtenir ?
Voici une liste des informations les plus importantes à prendre en compte dans le cadre d’une veille concurrentielle appliquée aux usines :
- capacité de production et le taux d’utilisation réel ;
- investissements récents ou futurs au sein de l’usine (projets d’extension, etc.) ;
- informations d’ordre social (licenciements, vagues de recrutement, chômage partiel, grèves, gronde sociale, etc.) ;
- effectif ;
- évaluation des coûts de production ;
- âge de l’usine et état général ;
- installations et efficacité des installations ;
- respect des normes de sécurité ;
- nominations de la structure dirigeante ;
- existence de centres de recherche et développement au sein de l’usine ;
- produits fabriqués au sein de l’usine (comprendre notamment si chaque usine a sa spécificité) ;
- fournisseurs et distributeurs ;
- ancrage local (participation ou sponsoring de manifestations locales, proximité avec les élus locaux, etc.) ;
- incidents (incendies, inondations, etc.) qui pourraient avoir un impact sur la production ;
- compréhension de la chaîne logistique ;
- importations/exportations.
A l’exception des pays francophones, la recherche d’information se fera en langue anglaise et encore mieux en langue locale.
Voici les principaux termes en anglais utiles pour une veille et recherche d’information sur les usines :
- plant / manufacturing plant / factory
- production capacity
- capacity utilization / utilization rates
- investment(s)
- production cost / cost of production
- manufacturing costs / operating costs
- energy and water use
- efficiency
- cut* jobs / job losses
- shut plant / plant closing
- suppliers
- imports /exports
- manufacturing quality
- manufacturing performance
- facilities
- equipment effectiveness.
Éléments méthodologiques
Avec toutes ces informations, on obtiendrait une fiche concurrent idéale. Il faut malheureusement se rendre à l’évidence, la probabilité d’obtenir l’intégralité de ces informations est quasi-nulle mais on peut cependant essayer d’en obtenir un maximum en ayant une bonne connaissance des sources et méthodes à appliquer et tout en restant dans la légalité.
S’il y a bien une chose à retenir dans la surveillance des usines, c’est l’importance des sources locales qui constituent une véritable mine d’informations. Il n’est pas rare que l’usine, souvent en dehors des grandes villes et métropoles internationales, soit l’un des principaux employeurs de la ville ou de la région où elle est implantée. Elle fait donc partie intégrante du tissu local et il est donc probable qu’il en soit fait mention régulièrement, dans la presse locale notamment, à diverses occasions.
Il ne faut pas non plus négliger les pistes locales a priori insignifiantes comme une fête de village, une visite d’école, etc.
Chez FLA Consultants, il nous est par exemple déjà arrivé d’obtenir des chiffres confidentiels sur une usine française à la simple lecture d’un petit article de presse locale relatant la visite de l’usine par une classe de CM2.
Il ne faut pas oublier non plus que le tout numérique n’est pas encore une réalité partout. Ainsi , certains titres de presse très locaux et distribués à très petite échelle ne proposent aucune version électronique mais mériteraient néanmoins qu’on s’y abonne en version papier.
Venons en maintenant aux sources susceptibles de fournir des informations intéressantes sur les usines. Nous avons essayé de rassembler ici toutes les pistes légales à explorer. Il faut bien avoir conscience que pour certaines entreprises ou secteurs d’activité, certaines pistes n’amèneront aucune information pertinente sur le moment mais pourront s’avérer possiblement payantes sur le long terme. Il ne faut jamais renoncer trop vite.
- la presse nationale ;
- la presse spécialisée sur le secteur d’activité de l’usine ;
- la presse locale et les blogs d’information locaux ;
- les sites des collectivités locales (notamment le magazine de la mairie et les délibérations de conseil municipal) ;
- revues académiques ou études de cas qui auraient mentionné l’usine comme un cas d’école par exemple ;
- les sites et blogs des élus locaux ;
- les sites des organisations syndicales locales ;
- les retours informels de personnes sur le terrain (commerciaux par exemple) ;
- les salons et conférences où l’entreprise participe d’une manière ou d’une autre ;
- les visites d’usines (un article du Figaro de 2013 indiquait qu’il y avait plus de 5 000 entreprises à visiter en France !) ;
- Google Earth ou Google Maps pour visualiser la localisation et mieux comprendre l’organisation des lieux, les possibilités éventuelles d’extension, etc. ;
- des sites de fournisseurs ou entreprises ayant travaillé au sein de l’usine (architectes par exemple) et qui fourniraient quelques détails sur leur collaboration ;
- des sites de stages ou offres d’emplois ;
- thèses, mémoires ou rapports de stages ; certains stagiaires sont en effet imprudents quant à la confidentialité ;
- sites de partage de présentations comme Slideshare ;
- sites de CV en ligne ou réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn. On peut toujours espérer trouver un profil détaillant très précisément la structure ;
- les réseaux sociaux comme Twitter, LinkedIn, InstagramParmi toutes les sources citées ci-dessus, si certaines d’entre elles ont une présence sur les médias sociaux, il peut être intéressant de les surveiller car ce qui est publié sur les réseaux sociaux est parfois différent de ce que l’on peut trouver sur le site/blog ;
- On n’oubliera pas non plus la radio et les télévisions locales, qui peuvent parfois diffuser des interviews de dirigeants ou de syndicats de l’unité locale.
On va ainsi réussir à glaner une multitude de petites informations, qui une fois recoupées, permettront d’avoir une meilleure vision des usines concurrentes et de la stratégie de l’entreprise.
Cas pratique : Ensto, un fabricant de matériel électrique finlandais
Prenons maintenant un exemple concret dans le secteur de du matériel électrique. Imaginons que nous voulions mettre sous surveillance certaines usines de cet acteur en France.
La localisation des usines n’est pas difficile à trouver car détaillées noir sur blanc sur le site global de l’entreprise. Il dispose de 5 usines sur le territoire français : à Vernon, à Lyon, à Perpignan et à Bagnères de-Bigorre où il a deux usines.
Nous avons effectué un certain nombre de recherche et de tests sur une période d’un an sur ces usines.
On trouve quelques informations intéressantes mais certaines d’entre elles proviennent de sources dont on n’aurait pas nécessairement soupçonné l’existence avant de commencer les recherches.
Les tests confirment bien l’importance des sources locales et notamment de la presse car c’est là que nous avons trouvé le plus de détails intéressants. Les agrégateurs de presse comme Factiva, Nexis ou encore Pressedd (tous sur abonnement) permettent d’ailleurs d’accéder à certains titres de presse non accessibles sur le Web ou ne proposant pas leurs articles en libre accès. Dans notre exemple La lettre Valloire, Le petit journal 11 ou encore La semaine du Roussillon se sont révélés très intéressants.
Parmi les autres sources, on citera :
- le site d’un club de rugby à Perpignan dont Ensto est le sponsor qui propose une interview du directeur marketing et communication en France
- un site spécialisé dans l’actualité du développement durable dans la région Centre qui fait état de la création d’un consortium entre le syndicat intercommunal d’énergies d’Indre-et-Loire et des acteurs locaux dont Ensto pour la recharge des véhicules électriques
- les sites de communautés de communes indiquant avoir choisi Ensto comme prestataire.
- ou encore le comité français des constructeurs automobiles, un blog de Lidl sur le développement durable, un site d’information sur les véhicules hybrides et même le site d’un photographe qui publie une sélection de photos prise dans le cadre de reportages corporate notamment pour les usines d’Ensto.
Les réseaux sociaux comme Twitter apportent également des informations que l’on ne trouve pas ailleurs comme par exemple
- des comptes de personnes spécialisées électromobilité/énergie qui mentionnent les nouveaux contrats remportés par Ensto
- plusieurs comptes qui publient des photos de l’usine et du management
On le voit, l’information était essentiellement locale et pas nécessairement là où on l’attendait (le cas du club de rugby ou du site du photographe par exemple). Effectuer un bon sourcing est indispensable et surveiller précisément ces sources l’est d’autant plus mais il ne faut pas pour autant s’y cantonner.
On aura intérêt à mettre en place des alertes plus larges sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux pour détecter de nouvelles informations et de nouvelles sources à ajouter à son sourcing. La veille est un processus en perpétuel mouvement.
Enfin, on voit l’importance grandissante des réseaux sociaux dans la collecte de l’information concurrentielle. Pour des sujets générant peu de volume, une surveillance manuelle ou quasi-manuelle en recourant à des outils gratuits peut suffire. Dès lors que les volumes sont importants, un véritable outil de veille spécialisé sur les médias sociaux s’impose.