Comment identifier les publicités en Search et display d’un concurrent sur Google, Facebook et les autres
Identifier les AdWords et résultats sponsorisés d’un acteur, d’une marque ou d’un concurrent ou ses publicités en display sur les réseaux sociaux, ses spots publicitaires dans des vidéos YouTube, ou sa publicité sur mobile, etc. n’a rien de facile. D’autant qu’aucun des outils de recherche et de veille classiques utilisés par les professionnels de l’information ne le permet.
Heureusement, il existe des outils spécifiques freemium ou payants plutôt destinés aux professionnels du SEO ou de la publicité qui disposent de ce type de fonctionnalités. Et dans un contexte où les internautes demandent plus de transparence, les GAFAM commencent aussi progressivement à mettre en place des initiatives permettant de visualiser et suivre les campagnes publicitaires sur leurs plateformes ainsi que des fonctionnalités pour connaître les raisons pour lesquelles ces publicités s’affichent.
Les initiatives mises en place par les plateformes
Commençons par les outils et initiatives mises en place par les plateformes.
Sur Google malheureusement, nous n’avons pas réussi à identifier la moindre fonctionnalité permettant de savoir qui propose des AdWords sur tel mot-clé ni si un site Web ou un acteur achète ou a acheté des résultats sponsorisés.
La seule initiative notable mais tout de même intéressante concerne les publicités à caractère politique sur Google, YouTube et ses sites partenaires.
L’été dernier, Google avait lancé une nouvelle rubrique sur son site https://transparencyreport.google.com/political-ads/home avec « des informations sur les dépenses liées aux annonces mettant en avant, dans le contexte d’élections, un candidat, un élu déjà en place ou un parti politique dans un système parlementaire. » Si au départ, cela se limitait aux Etats-Unis, cela concerne également l’Europe et l’Inde depuis la fin 2018.
On peut donc visualiser toutes les publicités (résultats sponsorisés, display, vidéos, etc.) mises en ligne sur les produits de Google par les partis ou personnalités politiques. Sur l’Europe, l’antériorité est pour l’instant limitée et ne permet pas de remonter avant mars 2019.
Cela peut néanmoins s’avérer intéressant quand la recherche d’information ou la veille inclut un volet politique.
Autre possibilité, manuelle cette fois-ci : relancer plusieurs requêtes sur des mots-clés liés à sa recherche d’information ou sa veille, et voir quels AdWords ressortent. Si cela permet de repérer quelques publicités, rien ne garantit en revanche qu’on visualisera tous les résultats sponsorisés ni qu’on aura entré les bons mots-clés permettant de faire ressortir des AdWords.
Et pour les publicités en display sur desktop et mobile ou encore les spots publicitaires dans des vidéos YouTube, il n’existe à notre connaissance aucun moyen de le faire par soi-même à moins de regarder toutes les vidéos sur des mots-clés proches de son sujet et de les regarder de multiples fois. On risque juste de perdre son temps...
Facebook de son côté propose un nouvel outil très intéressant depuis le mois d’avril dernier : Facebook Ad Library (soit une bibliothèque de publicités) : https://www.facebook.com/ads/library/. Suite aux nombreux scandales et critiques , Facebook a donc choisi de faire preuve de transparence en proposant un outil permettant de rechercher et d’accéder à toutes les publicités diffusées sur sa plateforme.
Le moteur permet de rechercher par nom, sujet ou organisation. Facebook propose ensuite une liste de pages Facebook répondant aux critères et on peut ensuite visualiser quelles publicités ont été lancées par cette page par pays. Pour le moment on ne peut pas remonter au-delà d’avril 2019.
A titre d’exemple, nous avons choisi la page Facebook globale d’Auchan (voir figure 1.) et nous avons choisi de visualiser les publicités diffusées en France. On dispose alors d’information sur la page (date de création, si le nom de la page a changé avec le temps et la localisation des personnes qui gèrent cette page)
Figure 1. Liste des publicités diffusées par la page française Facebook d’Auchan via la Facebook Ads Library
A notre connaissance, Facebook ad Library est aujourd’hui le produit le plus abouti en matière d’informations sur la publicité, développé par une plateforme.
Lors de son lancement, Facebook indiquait que cette bibliothèque de publicités s‘appliquait également à Instagram, qui rappelons-le appartient à Facebook. Sur le site, il est indiqué que cela s’applique à tous les produits Facebook donc probablement aussi Instagram mais il n’est pas possible d’en être sûr à 100%.
Sur LinkedIn, il existe également un moyen de savoir qui publie des posts sponsorisés et quelles sont les publicités qu’il diffuse. Pour cela, il suffit de se rendre sur une page Entreprise et de cliquer sur l’onglet Publicité dans la colonne de gauche. On peut alors visualiser les posts sponsorisés publiés par cette entreprise (voir figure 2.).
Figure 2. Listes des publicités diffusées par Brandwatch sur LinkedIn
Sur Twitter en revanche nous n’avons trouvé aucun moyen de rechercher et d’identifier les tweets sponsorisés.
Notre avis
Cette question de transparence est relativement nouvelle et les grandes plateformes commencent seulement à mettre en place des solutions et des outils. On voit bien que la stratégie diffère d’un acteur à l’autre. Certains se contentent de rendre ces publicités plus visibles afin de mieux distinguer la publicité de l’information, d’autres se concentrent sur les sujets sensibles et notamment politiques. Enfin, certains ont choisi d’ouvrir plus largement leurs données.
Il ne reste maintenant qu’à espérer que cette ouverture des données liées à la publicité va continuer et que la majorité des grandes plateformes va s’y mettre.
Les outils dédiés
Les annonceurs et les marques n’ont pas attendu les outils des grandes plateformes pour essayer d’évaluer la portée de leurs campagnes de publicité et leur stratégie marketing sur le Web.
Depuis des années déjà, il existe des outils permettant d’obtenir des données sur les résultats sponsorisés et publicité en display. Ces outils fonctionnent généralement sur un modèle freemium.
Pour rechercher et identifier des AdWords et résultats sponsorisés, on citera :
- Semrush - https://www.semrush.com/qui permet de savoir qui a acheté quels mots-clés sur Google et quelles sont les publicités en cours sur ces mots-clés. (voir figure 3.)
- Spyfu - https://www.spyfu.com
- Ispionnage - https://www.ispionage.com
- ou encore KeywordSpy - https://www.keywordspy.com/
Figure 3. AdWords de Whirlpool sur la plateforme Semrush
On constatera que la plupart de ces outils sont des outils de SEO qui permettent à la fois d’obtenir des informations sur le référencement naturel mais aussi sur les résultats sponsorisés.
Pour les publicités en display, il faut faire appel à d’autres outils spécialisés comme :
- Whatrunswhere - https://www.whatrunswhere.com
- Adbeat - https://www.adbeat.com/ (voir figure 4.)
- Adclarity Display - http://www.adclarity.com/products/adclarity-display/
- Moat - https://moat.com
Figure 4. Les publicités en display diffusés par Whirlpool repérés par l’outil Adbeat
Quand la publicité Web investit de nouvelles sources et de nouveaux formats
Tous ces outils, qu’ils soient développés par les géants du Web ou par des sociétés extérieures se focalisent essentiellement sur les grands canaux de diffusion de publicité sur le Web : résultats sponsorisés sur Google, médias sociaux comme Instagram, Facebook, Twitter, LinkedIn, vidéos sur YouTube, etc.
Cependant, de nouveaux formats et formes de communication et de nouveaux médias font leur apparition régulièrement. Et les marques, toujours en quête d’innovation et pour se démarquer, se ruent sur ces nouveaux eldorados.
Sur ce sujet, nous vous invitons à lire l’article paru dans le dernier numéro de BASES intitulé « La veille face aux nouveaux médias : Podcasts, Stories, Live, etc. » (BASES n°371 - Juin 2019).
On trouve deux cas de figure :
- les marques qui investissent ces nouveaux formats pour produire des publicités ou une communication sous leur propre nom : Stories, Live produits par une marque, newsletter de la marque qui diffuse des publicités, production de podcasts publicitaires, etc.
- des spots/messages publicitaires qui viennent s’insérer dans d’autres contenus : publicité au sein d’un podcast d’information par exemple.
On retiendra donc que les marques investissent de plus en plus ces nouveaux formats et que cela pourrait être intéressant à surveiller dans un contexte de veille d’autant que tout évolue très vite.
Au cours des derniers mois, l’information sur ce sujet n’a pas manqué avec le lancement de nouveaux formats et opportunités publicitaires et annonces de marques s’engouffrant sur cette voie.
Un article des Echos du mois de mai évoquait ainsi les opportunités des marques d’investir dans des podcasts publicitaires à l’image de l’agence Ogilvy qui planchait sur un podcast retraçant le parcours du fondateur du groupe de communication. (https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/podcast-audio-un-nouveau-filon-pour-la-publicite-1015725)
Récemment, la plateforme d’agrégation de podcasts Acast qui vient d’arriver en France, indiquait tester avec des marques une insertion dans les podcasts de codes promo.
WhatsApp quant à lui, va commencer à intégrer des publicités à partir de 2020. A priori, il s’agirait de placer des publicités dans la section stories de la messagerie.
Spotify va également tester des publicités avec commandes vocales aux Etats-Unis où l’utilisateur est encouragé à prononcer une commande pour réaliser une action précise sur le contenu de la publicité
On notera également que les investissements en publicité sur la VOD ne cessent d’augmenter à grande vitesse.
Enfin, le format newsletter qui avait perdu de sa splendeur semble revenir à la mode et permet de diffuser de la publicité.
Mais parfois, cette course à l’innovation tourne mal...
Huawei a du s’excuser récemment après avoir diffusé des publicités sur les écrans de verrouillage de ses smartphones. Et l’opération de communication menée par North Face qui consistait à changer des photos de l’encyclopédie Wikipédia en les remplaçant par des photos très similaires mais avec un placement de produit au sein de l’image a été un véritable échec et a été très mal perçue par l’opinion publique.
C’est là qu’on comprend que la frontière entre information et publicité est de plus en plus ténue, que la « publicité déguisée » est de plus en plus présente et qu’il faut savoir la repérer. C’est ce que nous aborderons dans le prochain article de ce numéro.
Notre avis
Dans un contexte de veille, ces nouveaux formats de publicité et moyens de diffusion ne sont pas nécessairement simples à mettre sous surveillance.
Quand la publicité (posts, vidéo, image, etc.) est diffusée directement par la marque ou l’entreprise sur sa page Web, sa newsletter, ses comptes sur les médias sociaux, la veille n’est pas nécessairement très difficile à réaliser. Il suffit alors de mettre sous surveillance ces sites et ces comptes, même s’il est vrai, certains formats tels que les contenus multimédia ou les nouveaux contenus éphémères rendent la tâche de plus en plus difficile.
En revanche, quand la publicité vient s’insérer dans d’autres contenus comme une émission, un podcast d’information, etc., il est pratiquement impossible de la repérer par soi-même. Ces plateformes et nouveaux médias ne proposent pas d’outil ou de fonctionnalités pour identifier facilement les publicités qu’ils diffusent et les outils dédiés à la publicité évoqués précédemment, n’intègrent pas encore ces nouveaux médias.
Reste à attendre qu’ils les intègrent...
Le modèle de gratuité des grands acteurs du Web et leur financement par la publicité : le mélange des genres
La majorité des grands acteurs du Web - Google, Facebook, Twitter, Amazon, Instagram, etc. - sont gratuits ou fonctionnent parfois sur un modèle freemium. Et il ne faut pas oublier qu’ils se financent tous massivement par la publicité. L’expression « si c’est gratuit, vous êtes le produit » prend alors tout son sens.
La presse en ligne aussi se finançait beaucoup par la publicité mais la baisse des investissements publicitaires l’a contrainte à revoir sa copie et à se tourner vers d’autres modèles économiques (payant ou freemium). Et c’est finalement plutôt une bonne nouvelle.
Car quand on se finance par la publicité, on se retrouve forcément redevable envers son principal client et investisseur et le rapport est donc biaisé dès le départ. Il faut donc trouver le moyen pour que les internautes cliquent sur la publicité. Et pour cela, rien de mieux que de rendre la publicité de moins en moins visible en la mêlant aux résultats naturels ou contenus d’information.
Sur Google, par exemple, l’excellente infographie produite par le site Search Engine Land (https://huit.re/Evolution-pub-Google) sur l’évolution de la publicité sur Google depuis les débuts du moteur de recherche, en est l’illustration parfaite. Elle met bien en évidence qu’il est de plus en plus difficile de distinguer les AdWords des résultats naturels.
Et comme si cela ne suffisait pas, la publicité est également de plus en plus présente sur les autres services de Google. En mars dernier, Google a ainsi annoncé l’ajout de publicité au-dessus des résultats naturels dans son moteur d’images pour « aider les entreprises à se connecter avec les consommateurs ».
En mai dernier, le journal américain The Information indiquait que « le célèbre site web pourrait bientôt accueillir un nouveau format incitant les spectateurs à acheter directement des produits grâce à un encart dédié situé juste sous le contenu qu’ils sont en train de regarder » sur YouTube (source : Presse citron).
Et Google n’est pas le seul.
Instagram par exemple a récemment ajouté de la publicité dans la section Explore. Lorsque l’utilisateur aura sélectionné un post en particulier elle se glissera dans le scroll automatique.
En 2018, plusieurs blogueurs s’était fait l’écho d’un récent brevet déposé par Google intitulé « Combining Content with Search Results » qui indique qu’ils pourraient combiner résultats naturels et sponsorisés dans certains cas. Pour en savoir plus, on pourra lire le billet détaillé sur le site : http://www.seobythesea.com/2018/06/google-combined-content-search-results/.
A suivre donc !
Et le prix du gratuit à payer pour les internautes, c’est que ces grands acteurs revendent et transmettent leurs données aux annonceurs, leur permettant ainsi de cibler et personnaliser le plus possible leurs publicités.
Si la personnalisation d’une recherche Web sur Google est très faible (comme nous avons pu le montrer dans notre numéro de NETSOURCES n°136), en revanche l’affichage des résultats sponsorisés est très personnalisé en fonction de l’historique, les goûts, les données démographiques de l’utilisateur, etc.
Mauvais temps pour la publicité en ligne à l’heure de la RGPD et du respect de la vie privée
Avec les nouvelles réglementations, les évolutions des mentalités et les attentes des internautes, la publicité Web traditionnelle n’a pas nécessairement un avenir radieux.
D’une part, de nombreux internautes ont recours aux bloqueurs de publicité. Et les navigateurs et autres acteurs se positionnent donc sur le créneau pour répondre ou du moins donner l’impression de répondre à leurs attentes.
Mozilla teste actuellement le Web sans publicité par abonnement avec un service VPN. Il devrait lancer une version payante de Firefox pour 4.99 dollars par mois. Il a également lancé un outil appelé TrackThis (https://trackthis.link/ - voir figure 5) pour berner les annonceurs en leur faisant croire que l’internaute est quelqu’un d’autre en ouvrant 100 onglets en même temps.
Figure 5. L’outil TrackThis proposé par Mozilla pour berner les annonceurs
Google Chrome intègre depuis le 9 juillet dans le monde entier un bloqueur de publicité par défaut dans son navigateur. Incroyable mais vrai !
Et ce n’est pas tout. De nombreux acteurs s’attaquent également à la question de la collecte de données des utilisateurs en interdisant ou limitant les cookies. Apple s’est déjà penché sur la question depuis 2017 et interdit l’utilisation de cookies lorsque les internautes naviguent sur Safari. Firefox a également durci ses règles ainsi que Google dans Chrome mais dans une moindre mesure. Si cela ne supprime pas l’apparition de publicités, cela supprime ou tout du moins cela limite la possibilité de cibler et personnaliser les publicités. Ce qui est tout de suite beaucoup moins intéressant pour les marques.
De l’autre côté, la législation et la règlementation commencent doucement à intégrer la RGPD pour la collecte des données. La CNIL de son côté vient d’élaborer un plan d’action afin de préciser les règles applicables à la publicité en ligne, etc.
L’avenir de la publicité en ligne n’est donc probablement pas radieux.
C’est peut-être une des raisons pour lesquelles, la publicité « déguisée » ou qui ne se revendique pas comme telle prend un réel essor.
D’autre part, toutes les marques et entreprises n’ont pas les moyens de financer des campagnes de publicité dont le budget peut vite grimper. Et selon le secteur d’activité, les entreprises n’arrivent pas nécessairement à toucher leur public cible via les AdWords ou des plateformes très grand public comme Facebook par exemple. Eux-aussi se tournent alors vers la publicité masquée.